
Le deal... de Ouaga.






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Politique
Côte
d’Ivoire : 15 ans après
Houphouët-Boigny manque énormément à son pays
“Et
nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma
main petite maintenant dans son poing énorme et la force n`est pas en nous,
mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l`audience comme
la pénétrance d`une guêpe apocalyptique. " Déjà quinze ans qu`Houphouët-Boigny
est mort. Pourquoi est-ce ce texte d`Aimé Césaire qui me vient en tête lorsque
je pense à cet homme ? A l`époque où nous étudions " Le cahier d`un retour au
pays natal " du cher Césaire, Houphouët-Boigny faisait partie des hommes que
nous exécrions. Vendu au colonialisme, disions-nous. Nous avions l`excuse de
la jeunesse. Quinze ans après son décès, nous n`avons plus cette excuse. Et,
au moment où l`on s`apprête à célébrer les quinze ans de sa mort, je me vois,
mon pays la Côte d`Ivoire et moi, ma main, petite, dans la sienne énorme. Et
soudain le poing énorme a commencé à broyer ma main toute petite. J`ai levé
les yeux et à la place de mon pays, j`ai vu un monstre difforme, comme dans
une bande dessinée d`Enki Bilal. Un monstre grotesque et lubrique qui se
vautrait dans la luxure, le sang et les ordures. Ma main prise dans l`étau de
ce monstre, je regardais mon pays et ne le reconnaissais plus. Etait-ce bien
la Côte d`Ivoire, le pays d`Houphouët-Boigny, ce pays de paix, de prospérité,
d`amour et de fraternité dans lequel j`avais vécu ? Et le film de la
transformation de mon pays en monstre a défilé devant mes yeux. Ce furent
d`abord tous ceux qui ressemblaient à des étrangers, qui portaient des boubous
ou qui supportaient Alassane Ouattara que nous traquions pour usurpation de
notre belle nationalité. Djeni Kobina devint ghanéen du jour au lendemain. Des
cartes d`identité furent déchirées, des postes perdus dans l`administration,
le pays qui commença à se déchirer, des leaders politiques emprisonnés. 24
décembre 1999. Le président Bédié était renversé dans le fracas des armes.
Coup d`Etat sans effusion de sang, avions-nous dit, comme pour exorciser le
grand drame que nous nous apprêtions à vivre. Sans effusion de sang ? C`est
sous nos yeux que des prétendus loubards furent abattus dans les rues,
simplement parce qu`ils étaient trop musclés à notre goût. C`est notre
télévision qui nous montra John Pololo, tout nu, les mains liées au dos. Et il
fut retrouvé le même jour, criblé de balles, quelque part vers Ndotré. Cela ne
nous coupa pas l`appétit et nos continuâmes d`aller manger nos têtes d`agouti
en famille dans ce lieu tous les dimanches. C`était juste un bandit qui avait
été abattu. Sans jugement. Pour quel crime ? A quoi sert-il de le savoir ?
C`était un bandit, c`est tout. Il y eut le " PC-Crise " où des dizaines de
personnes perdirent la vie, sur simple dénonciation par téléphone. Il
suffisait que quelqu`un appelle pour dire " mon voisin est un bandit " pour
que ce dernier se retrouve embarqué vers ce fameux " PC Crise. " Et c`était au
voisin de prouver qu`il n`était pas un bandit. Sinon, il y laissait la vie. Un
de mes confrères m`avait raconté comment il y avait vu une vieille femme
torturée parce qu`accusée par ses enfants de sorcellerie. L`avons-nous oublié
? Et cet enfant abattu par des membres de ce " PC Crise " dans la rue à
Marcory parce qu`accusé d`avoir volé un autoradio dans une voiture ? Et ce
jeune homme dont le martyre fut photographié par un journal, tué parce qu`il
se disputait dans la rue avec une jeune fille ? Et ces personnes torturées et
abattues tous les soirs sur un terrain dans la cour de la télévision par une
bande de militaires commandés par un certain Kadhafi ? Et les entreprises et
domiciles pillés ? Avons-nous oublié tout cela ? Nous nous étions bien
délectés des histoires des descentes des militaires dans les domiciles de
Bédié et de ses anciens ministres, de leurs parents molestés. Sans réaliser
que notre pays, le pays d`Houphouët-Boigny était en train de se criminaliser,
que notre armée était en train de devenir une armée de gangsters. Avons-nous
aussi oublié la descente des soldats sur la BCEAO ? Quoi d`autre ? Cette
histoire d`un homme qui dans une séance de prière aurait annoncé un coup
d`Etat ? Nous avions perdu une journée de travail pour cela. Et la
constitution votée illégalement, parce que le texte sur lequel nous avons été
invités à nous prononcer n`est pas celui paru dans le journal officiel. Cette
constitution avec son fameux " et " que nous avions plébiscitée, en sachant
très bien où elle nous conduirait. Guéï n`avait-il pas dit que c`était elle
qui divisait les Ivoiriens ? Et les règlements de compte entre soldats, le "
complot du cheval blanc " et les exactions qui s`ensuivirent ? Les soldats
torturés, tués, obligés de se réfugier à l`étranger, les généraux Palenfo et
Coulibaly contraints de se réfugier à l`ambassade du Nigeria, Alassane
Ouattara empêché de sortir du pays, les soldats baptisés " zinzin " et "
bahéfouè " torturant des gens dans la rue, devant le stade, les exactions de
Boka Yapi, les élections sous état de siège. Tout cela, c`était mon pays, le
pays d`Houphouët-Boigny qui faisait sa mue. Sa terrible mue.
Et cette élection ! Dans le sang et la confusion, avec une commission
électorale séquestrée, Gueï qui se proclame vainqueur, la foule qui descend
dans la rue, encore des morts et des blessés, l`armée qui se mutine, le
commandant Remarck tué, Gbagbo qui se proclame vainqueur parce que l`armée
s`est ralliée à lui, des résultats contestés encore dans le sang, une
investiture sur fond de charnier à Yopougon. Est-ce cela une élection
démocratique ? Oui. En Côte d`Ivoire. Pays qui était déjà devenu un monstre.
Et nous ne cessons de glorifier notre démocratie. Et de nous maintenir au
pouvoir au nom de cette démocratie. Et ensuite. Les législatives. Toujours
sous le signe du sang. Des femmes arrêtées et violées, Kong qui se rebelle,
des rues et des routes barrées. Je revois le visage tuméfié du fils de madame
Diabaté. Les larmes de cette dernière. Et les paroles des bonnes gens : " quoi
! Elle ose pleurer aussi ? " Et la suite. Janvier 2001. Affaire de la Mercedes
noire. Nouveaux crimes devant la télévision et la radio. " Complot de la
cabine téléphonique. " Arrestations arbitraires, fuites à l`étranger,
étrangers traqués, violentés. Les élections des conseils généraux. Violences à
l`ouest. Des maisons d`étrangers incendiées.
Mon pays, celui qu`Houphouët-Boigny avait bâti dans la paix et le respect des
droits de l`homme avait commencé à broyer ses enfants. Je revois ces
magistrats marchant dans leurs toges dans la rue, ces femmes qui voulaient
manifester contre la vie chère (déjà) repoussée devant la primature pendant
que l`on recevait les " sorbonnards. " Journées de réconciliation nationale.
Qui recommande que l`on délivre un certificat de nationalité à M. Ouattara. Ce
certificat de nationalité délivré à Ouattara ! La juge insultée, menacée, et
Blé Goudé qui va demander des comptes au président du tribunal devant les
caméras de la télévision, et le chef d`Etat, qui, pour trancher, annonce que
ce certificat n`est valable que pour trois mois. Et ces magistrats battus dans
leurs bureaux par des étudiants de la FESCI. La police présente qui regarde
ailleurs.
Et puis, finalement, cette nuit blafarde du 19 septembre où Marcellin Yacé
perdit la vie. Aucune autorité de ce pays ne l`a une seule fois cité.
Peut-être est-il soupçonné de complicité avec la rébellion. Guéï aussi.
Exfiltré de la cathédrale pour un aller simple vers la mort. Les canons qui
ont tonné, encore des morts, des étrangers tués, humiliés, chassés, dépossédés
de leurs biens, les bidonvilles incendiés, la cohorte des fuyards, les
baluchons sur la tête, les camps de réfugiés au mali, en Guinée, au Liberia.
J`ai visité ceux du Mali et de Guinée. Mes compatriotes ne pouvaient
comprendre qu`eux, fiers Ivoiriens, puissent se retrouver un jour dans des
camps de réfugiés, à manger la nourriture infâme distribuée par le HCR et
qu`on appelait " Bulgur ". Morts au nord, au centre, à l`est, à l`ouest. A
l`ouest justement, avec les Libériens dans le pays semant le chaos et les
atrocités sur leur passage. Gendarmes et enfants de gendarmes tués à Bouaké.
Fosses communes à Bouaké. Pillages partout au nord et à l`ouest. Escadrons de
la mort au sud. Benoît Dacoury-Tabley, “H” et tant d`autres tués. Silence
assourdissant des religieux. Linas Marcoussis. Grands rassemblements
patriotiques. Début des exactions patriotiques. Manifestations devant le 43ème
BIMA, des Européens molestés dans les rues. Viols, vols, pillages commis
patriotiquement. Marche projetée de l`opposition. Brutale répression. Combien
de morts ? Plus tard, " Opération Dignité ". Eau, téléphone et électricité
coupés au centre et au nord pendant trois semaines. Bombardement des civils.
D`un camp militaire français aussi. Violente réaction française. Tous nos
avions détruits. Manifestations devant l`Hôtel Ivoire. Snipers français tirant
sur des manifestants. Pillages et destructions d`entreprises. Complots de IB.
Kass et tant d`autres tués et brûlés à Bouaké. Des hommes enfermés dans des
conteneurs à Korhogo jusqu`à ce que mort s`ensuive. Combien d`autres
exécutions dans le silence du grand nord ? Pendant ce temps, les paysans
spoliés, clochardisés. Jeunesse sacrifiée. Un étudiant assassiné par ses
camarades sur le campus. Habib Dodo. Une jeune fille violée sur le campus. En
toute impunité. Badolo torturé et jeté dans la lagune par des gardes
républicains. Quel procureur peut s`intéresser à de telles banalités ? Déchets
toxiques déversés dans la ville d`Abidjan. Encore des morts. Cent milliards
pour dédommager les victimes. Combien de milliards empochés ? " Etre victime
des déchets toxiques n`est pas un métier qui nécessite d`être payé", a dit le
chef. Le débat était clos. Affaire définitivement close par un procès bidon
avec un Nigérian et un petit employé dans les rôles des victimes expiatoires.
Arrêtons-là l`horrible litanie de la descente aux enfers de mon pays.
Arrêtons-là le récit de l`horrible transformation d`un pays naguère beau et
accueillant en monstre difforme, cruel, veule, menteur. Houphouët-Boigny,
arrête de te retourner dans ta tombe. La meilleure est que ton Fologo est avec
ceux qui ont transformé ainsi ton pays. Je ne plaisante pas, père. Il y en a
encore d`autres qui t`étonneront encore plus. Et je ne veux pas t`écœurer en
te disant que ta belle ville d`Abidjan, cette ville dont tu fus le maire
croule aujourd`hui sous les ordures. Pas un seul espace vide de Cocody à Abobo
qui ne soit devenu un dépotoir à ciel ouvert. Depuis trois ans, nous
n`arrivons plus à organiser des élections. L`enrôlement des populations a
commencé dans le sang. Comment se terminera-t-il ? Dans le sang, bien sûr. Les
milices se trouvent toujours dans nos murs. Le FPI veut qu`on leur rende
hommage. Mangou en a délogé 300 il y a quelques temps. Je me souviens que le
chef de l`Etat s`était rendu dans l`ouest l`année dernière pour procéder
officiellement à leur démantèlement. Il était accompagné des responsables de
l`ONUCI. Comédie donc que tout cela ? Le nord échappe toujours au contrôle de
l`Etat. Unicité des caisses avait-on dit ? Oui, toutes les ressources du nord
vont dans l`unique caisse des Forces nouvelles. Cela n`empêche pas leur chef
d`être le premier ministre. Vous avez dit désarmement ? De qui ? Certainement
pas des Forces nouvelles. Puisque les milices sont toujours là. Lesquelles ne
désarmeront pas tant que les rebelles resteront armés. Simple à comprendre. Et
il n`y aura pas d`élection tant que ces deux groupes resteront armés. Et tant
qu`il y aura des richesses à prendre sans avoir à rendre compte. Simple aussi
à comprendre.
Le monstre continue de grandir. Et ce n`est plus ma main qu`il broie. C`est
tout mon bras. Bientôt ce sera tout mon corps. Non, je t`assure,
Houphouët-Boigny, je ne délire pas. Demain nous irons verser quelques larmes
hypocrites sur ta tombe et, de retour chez nous, nous continuerons notre
entreprise de destruction de ton œuvre. Eh oui ! Ton peuple, ton peuple de
Côte d`Ivoire que tu avais rendu si fier s`accommode de tout cela. Non, je ne
plaisante pas. Combien d`entre eux as-tu entendus se plaindre ?
Venance Konan, journaliste et écrivain,
néohouphouétiste
Félix Houphouët-Boigny : Grandeur et sagesse
d`un pouvoir productif
Ouvrir quelque page de la vie de Félix Houphouët-Boigny, revient presque
toujours à aller à la rencontre de pensées merveilleuses qui finissent par
s`incruster dans votre esprit et à s`imposer à vous comme des vérités
immuables. Les réflexions, l`homme en aura servi effectivement à son peuple
tout au long de son règne. Quelques-unes d`entre elles sont devenues
légendaires, et elles se passent (et continueront de se passer) de générations
en générations d`Ivoiriens ; comme celles-ci : " L`homme qui a faim n`est pas
un homme libre " ; " Le vrai bonheur, on ne l`apprécie que lorsqu`on l`a perdu
" ; " Je préfère l`injustice au désordre " ; " Seuls les imbéciles ne changent
pas " ; " La paix, ce n`est pas un vain mot, c`est un comportement ". " Je ne
veux pas d`une Côte d`Ivoire oasis d`abondance au milieu d`un océan de misères
" (ça, c`est un peu savant) ; " La politique, c`est la saine appréciation des
réalités ", etc.
Consacrons, à l`occasion du 15 è anniversaire de la disparition du grand
homme, un peu de temps à réfléchir sur ces pensées qui sont versées au compte
des " Paroles d`Anthologie " de celui que les Ivoiriens et le monde entier
appelaient " Le Vieux " ; appellation qui traduisait aussi bien l`affection
des uns pour lui, que le désir des autres de le voir quitter la scène
politique, pour cause de sénilité. Mais je crois que, dans l`ensemble, la
valeur affective du mot ``vieux`` primait sur la déconsidération, car le
Président Houphouët était un homme réellement aimé de milliers de gens, à
travers le monde. Il y a quelques mois, rfi lui avait consacré une série
d`émissions (au moins quatre (4) animées par Alain Foka. Le journaliste avait
expliqué ce choix par la résurgence du nom du premier Président de la
République de Côte d`Ivoire sur les lèvres des Africains de tout pays, en ces
temps difficiles que connaissait le continent ; ils l`évoquaient en termes de
souvenir d`un temps où la Côte d`Ivoire et l`Afrique avaient de la grandeur.
Et, quelles que soient les réserves formulées par quelque avis critique, on a
pu retenir, dans l`ensemble, un avis très favorable sur sa politique. La
réflexion qui guide cette politique est certainement celle que nous avons déjà
citée, à savoir : " La politique, c`est la saine appréciation des réalités ".
Eviter les choix aventureux des vaniteux
Apprécier sainement la réalité, c`est avoir une conscience claire des enjeux
et forces en présence ; c`est surtout avoir la juste estimation des forces en
mouvement ; car la scène politique est toujours un espace d`affrontements
(aussi bien verbaux, idéologiques, sentimentaux que physiques). Félix
Houphouët-Boigny avait fait l`option de contourner l`obstacle plutôt que d`y
foncer tête baissée, comme le ferait un homme intrépide et d`une témérité
suicidaire. Une telle attitude a pu paraître pour de la couardise dans
l`entendement de certains, quand d`autres y voyaient là, l`expression d`un
collaborationnisme suspect ; pis : de la trahison - comme l`avaient estimé
quelques leaders africains ainsi que des étudiants de la Feanf1), tous
farouchement indépendantistes et vivant dans l`euphorie d`un combat libérateur
et épique à mener contre le colonisateur blanc. Ils lui avaient fait le
reproche d`avoir choisi la voie de l`indépendance négociée plutôt que celle de
l`affrontement ou de l`indépendance ``arrachée`` (à la Sékou Touré). C`était
l`époque des slogans exaltés : " Nous préférons la pauvreté dans la liberté, à
l`opulence dans l`esclavage ", disait alors, superbe d`éloquence trompeuse, le
légendaire tribun du stade du 28 septembre. On sait la suite de l`histoire :
les Français sont partis ; la Guinée a eu pour partenaire les soviétiques, et
non les Français. Deux décennies après, l`Afrique et les Guinéens ont pu faire
le bilan de la santé économique et politique de la Guinée ainsi que celle des
pays africains de la ligne de front : la grande désillusion, en comparaison
avec les réussites (sociales, économiques, celles dans l`Education et la
Formation) de la Côte d`Ivoire. Les Guinéens, quant à eux, ont eu
effectivement la pauvreté, mais dans la tyrannie. Les cris des suppliciés du
camp Boiro résonnent encore aujourd`hui dans le cerveau des rescapés de la
potence qui ont pu fuir l`enfer de la Guinée. Bénin, Mali, Haute-Volta puis
Burkina, Ghana, etc. Bilan général : le grand désastre2. Près de trois
décennies après, à l`occasion d`une Assise de son parti le PDCI-RDA, Houphouët
expliquera aux jeunes générations (que nous étions et qui n`avions pas vécu
ces faits) son attitude, en disant, à propos des absolutistes de
l`indépendance : " Ils avaient l`audace de ceux qui ne savent pas ; moi,
j`avais la prudence de celui qui avait vu un peu ". L`homme avait donc su
faire une ``saine appréciation de la réalité`` au cours de ces années 1950 où,
entre les légitimes aspirations autonomistes des peuples asservis et
l`appréciation lucide des faits, il avait préféré la seconde voie, quitte à
être incompris sur-le-champ et obtenir, plus tard, l`absolution de l`Histoire.
Et la réalité était que les régimes communistes étaient moins soucieux des
Droits de l`homme, du respect de la vie, de la garantie des libertés, que les
régimes de l`ouest libéral. La réalité était que ces indépendances étaient
vite arrivées3, et que le destin d`un peuple qu`on a à diriger est plus
important que l`orgueil vaniteux d`avoir dit un ``Non`` circonstanciel`` qui
faisait de vous, un héros de circonstance et non pas forcément un homme utile
à son peuple. La réalité, enfin, ce sont ces milliers de Guinéens, de Maliens,
de Ghanéens, de Voltaïques, de Burkinabè, de Béninois, etc., qui fuiront leurs
pays respectifs pour trouver asile, prospérité, sécurité, paix et justice en
Côte d`Ivoire ; la Côte d`Ivoire de Félix Houphouët-Boigny qui avait donc eu
raison sur les passions entêtées et vaniteuses.
La raison du sage, et la sagesse comme raison
1970 à 1990. Houphouët est désormais, pour tous (Africains aussi bien que non
africains), " le sage d`Afrique " ; et son pays jouit de l`auréole de son nom
et de son prestige. Des travaux techniques, certainement plus précis qu`un
discours exalté de journaliste, ont situé l`ampleur des réalisations
d`Houphouët ; et les Ivoiriens doivent savoir que d`autres réalisations se
trouvent à l`extérieur. A titre personnel, et en tant qu`enseignant, j`ai
souvent parlé des soins que l`homme avait consacrés à la Formation
scientifique et professionnelle, et à l`Education nationale. Les Grandes
Ecoles de Yamoussoukro, l`Ecole de Statistique, l`ENA, l`Ecole d`Agronomie,
l`Ecole de Gendarmerie, traduisent la haute vision que le président Félix
Houphouët avait de la Formation.
A nous autres enseignants syndicalistes farouches de cette époque, nous,
prompts aux grèves, nous enseignants (du secondaire et du supérieur) au
langage grincheux, acerbe, sans concession aucune à son régime qui consacrait
pourtant près de la moitié du budget à l`Ecole, le président Houphouët n`avait
eu de cesse d`expliquer ses choix éducationnels, sa vision et sa politique de
l`Ecole. C`était à peine qu`on l`écoutait ; pour nous, tout cela était nul,
sinon insuffisant ; c`étaient les options " les moins mauvaises " ; et nous
pensions plus précisément à comment prendre le pouvoir un jour, pour faire
progresser la Côte d`Ivoire et réaliser pour les Ivoiriens, une meilleure
politique de l`Ecole. Et nous sommes parvenus un jour au pouvoir. Et nous
avons vu ce que nous avons fait de l`Ecole : un vaste désastre ! Oui, " le
vrai bonheur, on ne l`apprécie que quand on l`a perdu " !...
Nombre d`entre nous ne savent pas, aujourd`hui, comment cacher leur honte ; et
ces enseignants contestataires impénitents d`hier, rasent les murs, le profil
bas, la conscience tourmentée. Ils savent qu`ils ont failli ; et au fond de
nous-mêmes, nous savons que c`était " Le Vieux " qui avait raison ; et qu`il
avait fait 20 ou 30 fois mieux que nous. Mais les preux syndicalistes d`hier
n`osent pas parler ; ils se taisent, face à l`agonie de l`Ecole ivoirienne,
sous ce régime - le régime des enseignants. Notre régime. Comme celui de
Salazar. Un régime répressif, un régime de la démagogie, de l`échec, de la
honte ! Et ceux d`entre nous qui ont encore de la mémoire, se souviennent
qu`en mai 1983, Houphouët nous avait alertés sur l`avènement des enseignants
au pouvoir, en nous rappelant la terreur que Salazar sema au Portugal. La
plupart des syndicalistes frondeurs intrépides d`hier qui nous parurent comme
des héros, sont devenus de hauts cadres de l`administration publique et des
institutions de la République, sous ce régime de la mort de l`école, de la
purulence morale et de la saleté urbanistique : députés, Conseillers
économiques et sociaux, sous-directeurs au Trésor public, PCA, maires,
Présidents de Conseils régionaux, etc. Comme des attardés mentaux et des
zombies, ils ont intériorisé la philosophie de l`image des " trois singes "
qui pollue les salons des Ivoiriens de basse culture esthétique et morale : ne
rien voir, rien entendre, rien dire. Mais comment peut-on vivre et être
heureux, sans rien voir, rien entendre, rien dire ? Qui d`entre nous serait
heureux de n`avoir plus d`yeux, plus de langue, plus de bouche ? Les
sourds-muets et aveugles sont-ils des gens heureux ? Comment peut-on avoir
incarné de si beaux combats et à la fin, se compromettre à un tel degré ?
Comment, enfin, peut-on se prévaloir du statut d`intellectuels,
d`universitaires, et être si lâche, si malhonnête ? Aidez-moi à comprendre !
Ah temps, si tu pouvais faire marche arrière ! Hélas !
Des options avant-gardistes et éclairées
Dire aujourd`hui de Félix Houphouët-Boigny qu`il était un politique achevé,
revient pratiquement à énoncer une lapalissade. Une de ses réflexions
lumineuses concernant justement la politique est celle-ci : " Si la politique
est l`art du possible, elle est aussi la science des prévisions lucides.
Sachons donc, ensemble et plus que jamais unis et confiants dans la destinée
de notre grand peuple, préparer l`avenir radieux fait de prospérité partagée
et de fraternelle solidarité que mérite notre chère Côte d`Ivoire ". Cet
avenir de la Côte d`Ivoire, il le prépare dans trois trajectoires essentielles
: à l`intérieur de son pays, en essayant d`unir son peuple autour d`une devise
qui, respectée, vraiment respectée, suffit à faire progresser un pays : Union,
Discipline, Travail. Le régime actuel a, lui, consacré le règne de la
désunion, de l`indiscipline et de la fainéantise. C`est le temps des
improductifs. Et ils sont riches ! Comment, dans un pays sous-développé, sans
industriels, sans tradition réelle de la bourgeoisie, peut-on vivre dans
l`aisance matérielle sans avoir jamais travaillé ? C`est le miracle qu`a
réalisé Gbagbo et sa bande de filous !
La deuxième trajectoire dans laquelle Houphouët a orienté le destin de la Côte
d`Ivoire, est l`Afrique ; l`Afrique noire surtout, car il se méfiait un peu de
l`Afrique blanche4. Houphouët-Boigny avait conscience du racisme arabe contre
les Noirs ; aussi n`attendait-il pas grand-chose d`eux. Il se méfiait surtout,
et à juste titre, de Kadhafi5 dont il disait d`ailleurs qu`il était le PGDC
(le Plus grand diviseur commun). Houphouët n`était pas prêt à céder aux
pétrodollars et à renoncer à certaines valeurs qui lui étaient chères : la
liberté de culte, l`épanouissement de la femme, le refus de la discrimination.
Les pétrodollars cachent toujours un expansionnisme religieux dont on sait
l`intolérance et le fanatisme. Houphouët-Boigny n`avait pas peur des Arabes,
et leurs richesses ne l`impressionnaient pas. De toutes les façons, il était
riche ; pas de cette richesse spontanée, sale (car volée) et imméritée de
Gbagbo et de ses filous de refondateurs, mais de celle acquise avant, bien
avant même qu`il ait accédé à la magistrature suprême de la Côte d`Ivoire.
Non, l`argent des Arabes ne l`effrayait pas du tout. Quand il reprend les
relations (interrompues dans le contexte de la guerre de six jours, je crois)
avec Israël, il n`hésite pas ainsi à ironiser sur eux, en disant, face à
l`opinion internationale : " Les Arabes n`ont jamais été d`accord que sur
leurs désaccords ". Oui, il fallait oser le dire, ça ! Et à cette époque !
Demandez à notre vaillant Gbagbo-Soundjata s`il peut dénoncer les supplices
que Kadhafi fait subir aux Noirs, en Lybie. Aujourd`hui, on baise les souliers
d`un certain Blaise Compaoré du Burkina Faso, on se bat pour arriver à Ouaga
afin de jouir du privilège de voir le beau Blaise et toucher des frais de
mission ! Et on appelle ça, avoir défendu la dignité de la Côte d`Ivoire. Si
le ridicule pouvait tuer ! Bref.
Intégrationniste, mais de manière lucide et pratique, Houphouët concevait
l`intégration comme l`aboutissement d`un processus, et non comme une création
spontanée, issue de la puissance d`un verbe inspiré et fécondateur ! Il se
méfiait des décisions démagogiques, populistes et irréalistes prises dans
l`euphorie des Assemblées générales et autres ``Conférences`` et ``Rencontres
au sommet``. Houphouët fut ainsi plus intégrationniste que tous les idéologues
et verbalistes exaltés de l`intégration qui, eux, n`ont vraiment rien fait
dans ce sens. Et ce n`est pas ce raciste de Kadhafi (l`idole de M. Gbagbo,
l`homme aux amitiés intéressées et malfaisantes) qui dira le contraire. On
sait que la Côte d`Ivoire fut à l`avant-garde de la création de nombre
d`institutions africaines à vocation intégrationniste, et cela, sous l`action
de Félix Houphouët-Boigny. Je le redis : aucun africain, mais alors, aucun n`a
été aussi intégrationniste que Félix Houphouët-Boigny. On lui avait fait le
reproche injuste et non justifié d`avoir œuvré à la balkanisation de
l`Afrique. Quinze ans après sa mort (il n`est plus un obstacle), pourquoi les
Africains n`arrivent-ils toujours pas à réaliser cette fameuse Union africaine
ou Etats-Unis d`Afrique ? Démagogie que tout cela ! Et puis, comment peut-on
s`unir avec des racistes affirmés comme les Arabes (incarnés par Kadhafi) qui
tolèrent à peine les Noirs chez eux ? De quelle intégration parlent-ils, tous
ces gens ? Démagogie !...
La troisième direction dans laquelle le Président Houphouët avait inscrit le
destin de la Côte d`Ivoire, est la francophonie. Choix juste, lucide et tout
aussi astucieux que l`option pour l`indépendance négociée (après les années de
combat libertaires), et sur lequel, j`ai déjà eu à donner ma position, dans
d`autres publications. Sur cette question de la francophonie, soyons sans
équivoque comme le fut Houphouët : la francophonie m`apparaît comme le "
minimum idéologique réaliste et réalisable6 " autour duquel l`Afrique
francophone et la Côte d`Ivoire surtout, doivent se retrouver pour, ensemble,
réaliser " un bloc d`alliances historiques et culturelles, indestructibles :
c`est le sens de notre histoire, notre solution de continuité et de survie
politique, diplomatique, culturelle et économique. (…) L`histoire nous a
placés sur la route de la France, ce grand pays d`Europe latine. Ce n`est pas
une malédiction ; c`est tout simplement un acte historique, fondateur de notre
modernité politique, économique et culturelle. Nous devons composer avec cette
donne. L`assumer. Nous avons réalisé de grandes choses avec cette nation qui,
plus que toutes les autres d`Europe, s`est montrée la plus ouverte dans ses
rapports avec l`Afrique et le tiers-monde, et s`est vraiment intéressée (bien
sûr, pas de manière désintéressée non plus) à l`Afrique de l`ouest, plus
particulièrement à la Côte d`Ivoire dont elle a indiscutablement favorisé
l`émergence économique et politique, au détriment d`autres pays alentour qui
méritaient autant qu`elle, son soutien et son assistance7 ", écrivions-nous. "
!
Il découle de cela que l`option des Refondateurs pour d`autres pays
(anglophones, lusophones, asiatiques, plus précisément) afin de sceller de
nouveaux pactes historiques d`échanges politiques et commerciaux, et rompre
avec la France, me paraît inutilement démagogique, non viable et peu sage. "
Nous ne sommes pas, et ne serons jamais, des anglophones ni des lusophones,
pas plus que les Allemands ne seront nippons ou latins ou les Américains,
germaniques ou francophones. L`Histoire a ses donnes indélébiles ; et c`est
avec ces donnes que nous devons lier commerce8"...
Houphouët ne négligeait aucune possibilité d`entretenir des relations
cordiales et utiles avec quelque pays que ce soit, en même temps qu`il savait
les rompre, au besoin. Il se rendait aussi bien aux conférences des Alignés
que celles des non-alignés ! En fait, sur le plan diplomatique, le
positionnement de la Côte d`Ivoire s`apparentait un peu à celui de la Suisse,
le pays que l`homme considérait comme modèle…
Il avait dit : " Le vrai bonheur, on ne l`apprécie que lorsqu`on l`a perdu ".
La calamité qu`est pour nous aujourd`hui la refondation, a achevé de nous
convaincre qu`il avait raison. Le pire, c`est que les refondateurs eux-mêmes
veulent se réclamer d`Houphouët-Boigny contre la politique duquel ils
s`étaient pourtant insurgés ! Une telle démarche de leur part signifie en
clair qu`ils ont compris qu`ils ont échoué ; mais alors, pourquoi ne
l`avouent-ils pas clairement aux Ivoiriens ? Et pourquoi persistent-ils à
rester au pouvoir ? Pour nous faire souffrir davantage, sans doute ! Mais que
donc leur avons-nous fait de mal, pour qu`ils tiennent tant à nous infliger
des peines ? Suffit-il en outre de jouer des ``obstinato`` élogieux sur
Houphouët, pour naître à l`houphouétisme ?...
Le refus absolu du désordre
L`homme disait aussi : " Je préfère l`injustice au désordre ". Et il a jouté :
" On a le temps de réparer une injustice ; mais quand le désordre s`installe,
plus rien n`est possible ". Gbagbo-l`anarchiste, Gbagbo et ses refondateurs
rebelles à l`Ordre, Gbagbo et ses élèves buissonniers, violents, ses étudiants
sous et mal instruits, manieurs de machettes, Gbagbo et ses vrais faux
rebelles dozos, ses soldats aux bonnets sales et à la barbichette de bouc
nerveux, Gbagbo et ses amis arabes (Kadhafi - qui traque les Noirs dans son
pays) et burkinabè et maliens (qui demandent leurs parts des richesses à eux
promises par lui s`ils l`aidaient à accéder au pouvoir d`Etat), eh bien, ce
Gbagbo-là a dû l`apprendre aujourd`hui à ses dépens : qui sème le désordre,
récolte le désordre. C`est vrai, ``quand le désordre s`installe, plus rien
n`est possible``. Qu`il le sache donc lui aussi, Bernard Dadié, lui qui,
l`année dernière (seulement l`année dernière !), avait exprimé sa
désapprobation du fait qu`Houphouët ait maté la rébellion du guébié conduite
par Gnagbé Kragbé (le célèbre sécessionniste de l`ouest des années 1970), en
disant que Gnagbé est " un pauvre qui n`a eu que l`imprudence d`avoir voulu
l`indépendance de sa région " !
Enfin, que tous ces agitateurs sociaux des tropiques, nés au cours des années
1970 (après une mauvaise digestion des actes politiques des Che Guevara,
Bolivar, Zapata et autres figures sérieuses ou loufoques des révolutions)
sachent que l`Afrique n`a pas besoin de la culture de la violence ; et que,
bien au contraire, elle a tout à perdre à s`inscrire dans la spirale des
bouleversements brutaux, violents et sanglants qui ont fait le charme
terrifiant des révolutions opérées en Occident et en Asie. A chaque peuple,
ses méthodes de résolution des contradictions. L`exaltation des armes et le
culte de la violence (qui sont le fondement réel de la politique de Gbagbo9)
ne sont pas forcément la voie conseillée. Houphouët était convaincu que le
développement, surtout celui de l`Afrique et du tiers monde, ne peut se faire
dans le fracas et la fureur des armes, mais dans la Révolution scientifique,
spirituelle, mentale, le tout sous le sceau de l`idéologie de la paix ; la
paix apprise, enseignée, la paix inculquée, la paix intériorisée comme élément
dynamique de Culture. Alors, Houphouët peut offrir à ses contemporains, cette
belle réflexion : " La paix, ce n`est pas un vain mot, c`est un comportement.
" Variante personnelle de cette réflexion : si tu veux la paix, arrête de
passer ton temps à hurler à la télévision des insanités contre ton opposition
; arrête de confisquer les médias d`Etat ; arrête de te moquer de ton peuple
en t`octroyant des plaisirs de prince pendant qu`il souffre. Si tu veux la
paix, arrête de faire tirer sur ton peuple par tes milices déguisées en
militaires. Si tu veux la paix, soigne l`Education nationale de ton peuple et
ne détruis pas l`Ecole ! Arrête de semer la haine, l`intolérance, le
chauvinisme. En clair, si tu veux la paix, le progrès, le respect autour de
toi et pour ton pays, sème l`houphouétisme.
Par Tiburce Koffi
Pour le compte du Mouvement pour le néo houphouétisme (MNH)
Tél : 67-40-31-08/02-11-10-11
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