De
Diarra à Soro
Des
combinaisons gagnantes à la fantaisie
A
l'agression dont a été victime la Côte d'Ivoire le 19 septembre 2002, a
succédé une multitude de ballets diplomatiques avec chacun ses
recommandations et ses combinaisons pour sortir le pays d'Houphouët-Boigny
de l'ornière. Malheureusement, de Seydou Diarra à Guillaume Soro, les
Ivoiriens attendent toujours la combinaison gagnante. Peut-être ne
l'auront-ils jamais sous l'ère de la Réfondation...
Le 19
septembre 2002, les Ivoiriens se reveillent sous le crépitement des armes.
Et apprennent que leur gouvernement vient d'échapper à un coup d'Etat
militaire. Laurent Gbagbo et les siens ont certes échappé à un
renversement, mais il leur faut partager la gestion territoriale du pays
avec ceux qui ont pris les armes pour se faire entendre. La diplomatie
africaine se met alors en branle sous l'initiative de feu Yassingbé
Eyadema, président de la république togolaise. Les difficultés des acteurs
à s'entendre contraint la métropole française à s'y investir en convoquant
la réunion de Marcoussis en janvier 2003. Laurent Gbagbo se verra obliger
de partager le pouvoir avec les rebelles des forces nouvelles au grand dam
de son premier ministre d'alors, Pascal Affi N'guessan récusé par
Guillaume Soro et les siens. Il est remplacé par Seydou Ellimane Diarra.
C'est le début des combinaisons aussi inefficaces que fantaisistes.
Gbagbo-Diarra, l'hypocrisie face à la loyauté
S'il
bénéficie du soutien total des parrains français, Seydou Diarra n'aura pas
la tâche facile au plan local. Aux lendemains des accords de Marcoussis
qui l'ont porté à la Primature, son pouvoir est contesté par le camp
présidentiel appuyé les jeunes patriotes. Son seul tort est d'être le
fruit des accords de Marcoussis dont les frontistes ne veulent nullement
entendre parler. On lui reproche d'être le pion de la France que le front
populaire ivoirien et alliés pointent du doigt comme étant le bras
séculier de la rebellion. Amené donc à diriger un gouvernement dans lequel
siègent les rebelles, le natif de Seidougou sera malmené dans la mise en
application de la feuille de route. Sa loyauté sera mise à rude épreuve
face à l'hypocrisie politique. Avec d'un côté des jeunes patriotes
manipulés depuis les bureaux de la Présidence de la République et de
l'autre, des rebelles qui ne veulent qu'une application pure et simple des
accords paraphés par tous les protagonistes de la crise ivoirienne, le
patron de la Primature ne verra que du feu dans l'exercice de sa fonction.
Pourtant, de l'accord de Marcoussis à ceux de Ouaga en passant par Accra
et Prétoria, rien ne diffère dans le fond. Seule à manquer à l'appel une
franche collaboration du côté de la Présidence de la République pour que
les choses marchent comme sur des roulettes. Malheureusement, Laurent
Gbagbo préfèrent souffler le chaud et le froid dans un style que seule
l'hypocrisie politique justifie. Rendant l'application des accords de
Marcoussis quasi impossible au grand regret de tous ceux qui espéraient un
retour rapide à la normale en Côte d'Ivoire. Le vieux Diarra poussera
d'ailleurs un ouf de soulagement avec la résolution 1741 de l'organisation
des nations (Onu). Car, en même temps que ses résolutions, l'Onu mandate
Charles Konan Banny, ancien gouverneur de la Bceao (Banque centrale des
Etats de l'Afrique de l'Ouest) pour veiller à leur application en tant que
Premier ministre. Le rideau venait ainsi de tomber sur la première
combinaison sans qu'elle ait fait ses preuves.
Gbagbo-Banny, du tandem au duel
Sa
nomination, le 7 décembre 2005, au poste de Premier ministre avait suscité
un grand espoir et avait été salué par tous comme un signe positif de la
volonté des acteurs politiques ivoiriens d'aller vers la paix. Il devait
diriger le gouvernement de transition et préparer les élections,
initialement prévues pour octobre dernier et qui ont dû être reportées. En
dépit de sa bonne volonté et de sa détermination affichées, les obstacles
à la paix sont restés très nombreux.
Mais,
en s'installant à la Primature en remplacement de Seydou Diarra, Charles
Konan Banny savait qu'il n'aurait pas la tâche facile face à des
frontistes qui ne veulent aucunement entendre parler d'une quelconque
résolution venant d'une quelconque institution, fut-elle internationale.
Aussi a-t-il voulu d'entrée de jeu imposer sa marque de fermeté. Pour lui,
pas question de céder au chantage de ceux qui ont contribué l'échec de la
mission de son prédécesseur. Malheureusement, il aura, face à lui, deux
fronts. D'un côté les faucons du Fpi opposés à tout partage du pouvoir
avec la Primature dont les pouvoirs se trouvent renforcer avec la
résolution de l'Onu et de l'autre les caciques du Pdci qui craignent une
adversité entre le président de leur parti, Aimé Henri Konan Bédié et le
nouveau garant de l'application la feuille de route de l'Onu qui est
également un des leurs. Leurs inquiétudes sont fondées d'autant plus que
les bruits de couloirs font état d'une probable création d'un parti par
l'ancien patron de la Bceao. Des bruits de couloirs amplifiés par la mise
en place rapide clubs de soutiens à la solde de l'argentier. Une fois
encore l'espoir d'une sortie de crise pour les Ivoiriens transpirait
l'échec. Car, pris entre deux feux, Charles Konan Banny n'aura
véritablement pas le temps de suivre à la lettre la mise en application de
la résolution 1741 de l'Onu. Les quelques actions initiées par l'homme
pour remettre les Ivoiriens souffriront du boycott des ennemis d'un retour
à la paix en Côte d'Ivoire. A preuve, la manifestation organisée par lui à
Bouaké et qui devait sceller la paix entre les deux parties de la Côte
d'Ivoire a accouché d'une souris. C'est dans ce climat de duel entre les
deux institutions que le président Laurent Gbagbo trouve la parade qui lui
permet de se débarrasser des recommandations de l'Onu avec la complicité
de son ancien ennemi, Blaise Compaoré, président du Burkina Faso. On parle
alors de dialogue direct ivoiro-ivoirien qui n'était en réalité qu'une
astuce pour se débarrasser d'un premier ministre qui tenait tête à la
présidence.
Gbagbo-Soro, le maître et la "marionnette"
La
combinaison idéale pour Gbagbo lui est trouvée par les accords Ouagadougou
(capitale du Burkina Faso) sur sa propre initiative. En bon roublard
politique, le patron des frontistes savait qu'en réussissant à mette en
veilleuse la résolution 1741 de l'Onu, il passerait maître du jeu. Une
position qu'il cherchait depuis longtemps. Si non fondamentalement, les
accords qui ont porté Guillaume Soro à la Primature en remplacement de
Charles Konan Banny n'ont rien de différents des autres. Seulement, ils
permettent à Laurent Gbagbo d'être en face de la "marionnette" qu'il a
lui-même fabriqué. Ce qui rend moins difficile sa tâche manipulatrice.
D'autant plus qu'il sait quelle ficelle tenir. Raison pur laquelle, il
s'est empressé de qualifier ces accords de salutaires et de "dernière
chance" pour un retour à la paix en Côte d'Ivoire. Malheureusement la
route vers la paix semble longue pour cette autre combinaison au grand
malheur des Ivoiriens. Car la récupération de leur auto proclamé chef par
celui qu'ils combattent n'est pas du goût de la totalité des hommes de
rang de Soro et même de certains responsables politiques des forces
nouvelles. En témoigne le clash entre son fantassin Wattao et André Louis
Dakoury Tabley, l'une des têtes pensantes de la rebellion. Pris entre le
marteau et l'enclume, les Ivoiriens sont à se demander quelles seront les
priorités du Premier Ministre. Une préoccupation fondamentale d'autant
plus qu'un an après les accords de Ouaga et la flamme de la paix à Bouaké
de nombreux points d'ombre subsistent dans la mise en application
effective des accords de Ouaga. Des obstacles que le fantassin de Soro,
Wattao n'hésite pas à assimiler à la mauvaise foi de la partie
gouvernementale. "Quand le ministre de la défense estime que le retard
pris par le cantonnement de nos éléments nous incombe, il oublie de dire
que les moyens pour le faire n'ont pas suivis comme tout cela est prévu
dans les accords de Ouaga", indique Wattao. Allusion faite à la
réhabilitation des sites de regroupement devant accueillir les éléments de
la rebellion. Ces petites dissensions sont les signes avant-coureurs de ce
que les accords de Ouaga, comme la non application des autres d'ailleurs,
ne résoudront rien dans la crise ivoirienne. Ils donnent plutôt du temps
au Président Laurent Gbagbo à la tête de l'Etat de Côte d'Ivoire comme le
prévoient les textes de la constitution. Au grand dam de l'opposition
ivoirienne qui réclament à cor et cri des élections.
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Opposition ivoirienne, quelle crédibilité?
A
cette question, bien de politologues se creuseront les les méninges avant
de répondre. Tant les colorations politiques sont confuses depuis la
disparition du premier président ivoirien, Félix Houphouët-Boigny. Avec
des alliances aussi fantaisistes que surprenantes. Qui aurait pu imaginer,
l'actuel président du rassemblement des républicains, Allassane Dramane
Ouattara marcher main dans la main avec l'actuel président ivoirien,
Laurent Gbagbo, qui l'a farouchement combattu du temps où il assurait la
fonction de premier ministre du gouvernement d'Houphouët? Personne.
Pourtant ce fut chose faite en 1995 avec le front républicain qui
réunissait en son temps, le front populaire ivoirien et le rassemblement
des républicains. L'idylle entre les deux formations dura jusqu'au
renversement du dauphin constitutionnel d'Houphouët, Aimé Henri Konan
Bédié, en 1999 par la junte militaire qui a placé le Général Guéi au
pouvoir. Allassane Ouattara et les siens sont lâchés, au prix de petits
calculs politiciens, par l'actuel occupant du fauteuil présidentiel. Il
n'hésita surtout pas à se mettre en ménage avec le défunt Général Guéi
pour faire barrage à la candidature du patron du Rdr en 2000 lors des
élections présidentielles. Aujourd'hui, un autre plat est servi aux
Ivoiriens avec le rassemblement des Houphouëtistes (RHDP). Comme le
ridicule ne tue pas, on retrouve dans cette autre structure politique, des
hommes et femmes qui se regardaient en chiens de faïence il y a
quelques années. On se demande bien à quel idéal répond cet autre "machin"
politique si ce n'est encore pour se taper dans le dos. Seulement, qui
tapera le premier dans le dos de son ami? Wait and see...
Dissension au des Forces nouvelles
Gbagbo proche de son objectif
La récente sortie musclée du fantassin de Soro, Issiaka Ouattara
(Wattao), sur la prise de position d'un des leurs, Dacoury Tabley, par
rapport à l'appel à eux lancé par le leader du rassemblement des
républicains (RDR), Allassane Dramane Ouattara, a fini de convaincre les
plus sceptiques sur le malaise qui ronge les Forces Nouvelles depuis le
deal passé entre l'actuel Premier Ministre et le Président Laurent
Gbagbo avec le parrainage du président Burkinabé Blaise Compaoré. En
récupérant l'auto proclamé leader des Forces Nouvelles et certains de
ses fantassins, le "boulanger"(surnom donné au président Laurent Gbagbo
par feu le général Guéi), en bon tacticien politique, savait qu'il
créerait à long terme une méfiance entre le sommet et la base de la
branche militaire de la rebellion. En témoigne la difficulté
qu'éprouvent aujourd'hui les monarques des Forces nouvelles à cantonner
les soldats et autres bénévoles estimés à environ trente-trois milles.
Malgré les tentatives d'explications du retard pris à ce niveau du
roitelet de l'unité anaconda, on se rend bien compte les branches
militaires des forces nouvelles sont allègrement en train de se muer en
une association d'éléments incontrolés. Ceci n'est que la partie visible
de l'iceberg. Car pour ceux qui savent lire entre les lignes, depuis la
signature des accords de Ouaga le 04 mars 2007, le fossé ne cesse de
grandir entre les partisans et opposant de ce nouveau deal. Pour
les premiers, au rang desquels, Wattao, ce deal est la voie pour eux
pour se tirer d'affaire d'autant plus qu'ils ne voient rien d'autre que
l'impasse devant eux après s'être compromis dans plusieurs affaires
sales. Pour les seconds par contre, dont Dacoury Tabley, il faut
observer de la prudence face à quelqu'un réputé pour sa roublardise
politique. Ayant été un ancien compagnon de l'actuel président, Louis
André Dacoury Tabley doute fort de la sincérité du "Woody".
Avec d'un côté une rebellion dans la rebellion entre les chefs
militaires et leurs éléments et de l'autre, une guerre ouverte entre les
cerveaux politiques des Forces nouvelles, on peut alors imaginer que la
rebellion finira par manger ses propres enfants. Et, c'est l'heure
qu'attend le président Gbagbo qui sait qu'il aura Soro & Co à l'usure.
Une leçon bien apprise auprès de son ami et homologue Edouard Dos Santos
de l'Angola.
S.L
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