Côte d’Ivoire
EN ATTENDANT LES ELECTIONS
Présente et signataire de tous les accords de paix, l’opposition
ivoirienne partie prenante du processus de sortie de crise
s’affiche pourtant comme un géant aux pieds d’argile.
Que vaut l’opposition ivoirienne ?
Vue de l’extérieur, elle représente un contre-pouvoir capable de faire
plier le régime. Les arguments ne lui manquent pas pour se tailler une
belle image aux yeux du
monde extérieur. L’opposition ivoirienne, puisque c’est d’elle qu’il
s’agit, a, à sa tête, deux grands partis non des moindres et deux
leaders bien costauds. Du moins, sur papier. Dans la réalité, elle
s’avère incapable de faire fléchir le régime d’un Laurent Gbagbo
affaibli. Il s’agit d’un côté du Rassemblement des Républicains (RDR)
avec Allassane Dramane Ouattara, de l’autre, le Parti Démocratique de
Côte d’Ivoire (PDCI) et son Henri Konan Bédié. De part la popularité de
son président, sa force régionale et son implantation sur toute
l’étendue du territoire, le RDR est en à point douter une force capable
de faire basculer les forces en sa faveur. Hélas ! Depuis sa création en
1994, ce parti né des entrailles du PDCI est toujours à la recherche de
la communication susceptible de rallier à lui tout l’ensemble des
ivoiriens. Un exercice pas toujours facile pour son leader qui a eu
maille à partir avec tous les régimes qui se sont succédés á la tête du
pays et qui lui contestaient sa nationalité. De ses différentes
batailles avec les autres leaders des autres partis, ADO en est sorti
très affaibli et l’image de son parti fortement écorchée.
A cela s’ajoutent
les différentes alliances tissées au gré des intérêts soit avec le FPI
dans le cadre du Front républicain soit avec le PDCI dans le cadre des
Rassemblement des Houphouetistes pour la Paix (RHDP). Comment pouvoir
convaincre le militant lambda du PDCI de faire confiance au RDR,
l’ennemi juré d’alors. Quel crédit un simple sympathisant du FPI peut-il
accorder à son ancien allié (RDR) quand ce dernier fait chemin avec
l’ennemi commun d’hier ? A
l’heure de la campagne présidentielle, l’on récent bien évidemment que
ADO n’a pas le discours qui sied á un opposant qui veut le pouvoir. Même
s’il feint d’attaquer le pouvoir en place, il le fait avec des gants de
velours car les deux alliés d’hier ont bien de secrets. C’est la même
situation á l’endroit du PDCI, envers qui le RDR a tout le mal pour dire
haut et fort qu’il est à la base de la division des ivoiriens avec le
concept de l’ivoirité. Et pourtant le RDR est le parti le mieux placé,
pour n’avoir jamais dirigé le pays, pour dénoncer les différents
pouvoirs qui se sont succédés à la tête du pays. Que non, ADO a le
discours que personne ne veut l’entendre, se contentant de promesses
économiques reluisantes dans une économie mondiale malade où les banques
sont plus que jamais sous contrôle et pression. Le président du RDR sait
que cette situation d’autocensure est un handicap majeur pour lui.
Quant au PDCI, le plus vieux parti de Côte d’Ivoire, de par son
expérience dans l’exercice du pouvoir devrait être une alternative
crédible au cas où le RDR ou FPI n’arriveraient pas á tenir la route.
Que non, le parti créé par Félix Houphouët-Boigny ne cesse de perdre du
terrain et même en crédibilité de par ses choix aussi controversés que
son président Henri Konan Bédié. Discrédité au plan international pour
avoir instauré le concept de l’ivoirité, déchu du pouvoir en 1999, Bedié
est contre toute attente revenu dans le microsome politique ivoirien
cherchant á briguer une fois encore la magistrature suprême. Si cette
tentative n’a pas, de prime abord, soulevé de controverses, les
contestations au sein du parti se font de plus en plus vives. Bédié est
contesté dans son propre parti et l’alternative d’un nouveau candidat du
PDCI pointe du nez. Préoccupé à régler ses conflits internes, à défendre
un président qui ne fait plus l’unanimité, le PDCI n’a plus le temps de
combattre un Laurent Gbagbo qui fait à sa guise. Bien évidemment le PDCI
d’Henri Konan Bédié manque d’arguments pour dénoncer les abus du pouvoir
actuel dans tous les domaines. Des libertés individuelles à
la bonne gouvernance en passant par les
principes élémentaires de la
démocratie, le PDCI n’a rien à en vouloir au pouvoir de Laurent Gbagbo,
d’où la difficulté à tenir un discours cohérent et convaincant. Se
cachant toujours derrière la révolte de sa jeunesse, le PDCI a peur de
faire un discours qui peut se retourner contre lui car c’est par lui
qu’arriva le malheur en Côte d’Ivoire après les années glorieuses
connues sous son fondateur. Le PDCI est d’autant plus handicapé que de
grands cadres du parti servent la cause de Laurent. Enfants gâtés de la
république sous Houphouët-Boigny, ayant peur de perdre leur privilège,
ces cadres et non des moindres se sont tournés vers Laurent Gbagbo.
Parmi les visages visibles de tous ces transfuges du PDCI, reconvertis
en clubs de soutien à Laurent Gbagbo, l’on peut citer Laurent Dona
Fologo, l’actuel président du conseil économique et social et ancien
secrétaire général de PDCI, Boni Claverie, Sery Gnoleba, Gnamien Yao,
Pierre Kipré etc….En dehors du fait que ces deux grands partis, qui font
l’opposition, n’arrivent pas à asseoir une stratégie capable de pencher
les choses en leur faveur, leurs cadres commettent les mêmes erreurs que
la refondation. En effet, s’il
y a un domaine où la classe politique ivoirienne est unanime,
c’est bien sur le partage des deniers publics. La corruption, les voles
des fonds de l’Etat sont devenus monnaie courante au point que l’on
trouve normal ces actes de malveillances. Depuis, l’accord de Marcoussis
qui a instauré un vrai gouvernement d’union, le peuple ivoirien assiste
impuissant á l’enrichissement rapide de tous ceux qui ont fait une fois
un tour dans le gouvernement. Les constructions d’immeubles de luxe et
de villas par les cadres de partis politiques dans les quartiers huppés
d’Abidjan témoignent de ce pillage systématique. Leur mode de vie
ostentatoire ne fait aucune différence entre eux et leurs amis du régime
au pouvoir. Sur quels thèmes, l’opposition peut-elle combattre le régime
puisqu’elle a les mêmes pratiques que lui ? That’s the question.
K.YAO
Berlin
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