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Economie France : Téléphonie mobileSarkozy soupçonné de défendre Bouygues
Nicolas Sarkozy voit d’un mauvais œil l’arrivée d’un quatrième opérateur, malgré l’appel d’offres déjà lancé. Pour défendre les intérêts de son ami Martin Bouygues? Nicolas Sarkozy a-t-il enterré prématurément la quatrième licence de téléphonie mobile ? Telle est la question qui agite le landerneau politico-industriel. Vendredi soir, Xavier Niel, le patron de Free, a convié salariés et aficionados pour fêter les 10 ans de sa boîte au Palais omnisport de Bercy, à Paris. Pour partager son ambition : devenir, demain, le nouvel opérateur de téléphonie mobile français. Tailler des croupières aux trois historiques (Orange, SFR, Bouygues) à coup de guerre des prix profitable au consommateur. Il pensait l’affaire entendue. Mais le 15 septembre, Nicolas Sarkozy a rebattu les cartes. Ce jour là, à l’Elysée, devant les députés UMP, le chef de l’Etat va provoquer - d’une phrase - une déflagration en chaîne. Au détour d’une question sur le malaise agricole, il sème le doute sur la volonté réelle des pouvoirs publics d’aboutir sur l’attribution d’une nouvelle licence. «Je suis sceptique et réservé sur le choix d’un quatrième opérateur, dit-il. Le prix le plus bas n’est pas forcément le meilleur. Faut voir la qualité des postulants.» Sur place, le décryptage est immédiat. A l’évidence, Free, favori dans la compétition lancée le 1er août, est dans le collimateur de l’Elysée. Au point que certains se demandent si la hargne présidentielle ira jusqu’à remettre en cause la procédure initiée par son propre gouvernement. Baisse des prix. Assailli de questions, l’entourage du chef de l’Etat construit en urgence un argumentaire pour justifier la sortie présidentielle. Il reprend une à une les raisons invoquées par France Télécom (Orange), Vivendi (SFR) et Bouygues, pour flinguer la quatrième licence. Des ficelles un peu grosses (lire page 4) : forfaits déjà peu coûteux; difficulté d’installer de nouvelles antennes ; risque de contentieux et surtout conséquences sur l’emploi. Les services du «président du pouvoir d’achat» sont en revanche muets sur la baisse des prix attendue pour le consommateur. Même le Premier ministre s’émeut. Le surlendemain, lors du petit déjeuner de la majorité autour de Sarkozy, Fillon attaque bille en tête, à la stupéfaction de la petite dizaine de convives : «Monsieur le Président, les trois opérateurs dont vous avez parlé, ce sont bien ceux dont vous nous disiez il y a trois mois qu’ils "se gavent"? Pardon, vos propos exacts étaient qu’ils "se «bourrent".» Pris de court, Sarkozy botte en touche : «Je parlais du fond. Je n’ai pas dit ça parce que Bouygues est mon ami!» Plus exact aurait été de dire «pas seulement». Car Martin Bouygues, parrain de son fils Louis, est enragé. La présidence de son ami tourne au cauchemar. «Martin est furieux et l’a fait savoir à l’Elysée à plusieurs reprises, dit un industriel habitué du Château. Quand on touche à son bébé [sa filiale Bouygues Télécom, ndlr], il peut montrer les dents». Cadeau élyséen du nouvel an 2008, la suppression de la publicité sur les chaînes publiques n’a pas eu l’effet escompté sur les parts de marché de sa filiale TF1. La faute à l’effondrement, lié à la crise, du marché publicitaire. Or, le cadeau avait son revers : une ponction sur le chiffre d’affaires des opérateurs télécoms pour compenser la chute des recettes de la télé publique.
Moulinets. Perdant sur les deux tableaux, Bouygues a l’insigne satisfaction, en avril 2009, d’entendre Luc Chatel, le ministre de l’Industrie, repousser le dossier 4e licence. Preuve de la réticence de Sarkozy. «Elle remonte à bien avant la présidentielle, témoigne un patron. C’est une pierre entre lui et Fillon, défenseur acharné de la quatrième licence.» Seulement voilà ; enlisé après l’échec du premier appel d’offres en octobre 2007, le dossier est rouvert en janvier 2009 par Matignon. Le 1er août, le décret est publié au Journal officiel.«Nicolas Sarkozy a fait des moulinets pour donner le change mais le coup est parti, dit-on à Bercy. L’appel d’offres est lancé. L’Elysée ne peut plus rien arrêter.» Ce feu vert achève de pourrir l’ambiance entre Martin et Nicolas. Pour cause, en panne sur la télé et le BTP, Bouygues a plus que jamais besoin des marges du mobile. Et a un atout maître pour appuyer sa vindicte : TF1 est une arme absolue dans une campagne présidentielle. Et jusqu’à preuve du contraire, TF1 c’est lui. Il incombe donc à l’Elysée d’écarter la menace du «pirate» Free. Son PDG, Xavier Niel, comme le rappelle un autre acteur, n’a t-il pas sciemment «pourri» l’entrée en Bourse de Neuf - aujourd’hui racheté par SFR - en annonçant, trois jours avant, un prix canon pour sa future offre de fibre optique ? Dans les coulisses du conseil de la Concurrence, on rectifie : «Xavier Niel est un "maverick"». Un franc-tireur (lire page 4), peu disposé à composer avec l’establishment. «Il n’a pas fait les mêmes écoles», ajoute-t-on à l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) où, à ce que l’on sait, «il n’y a pas un seul X Télécoms chez Free, alors que France Télécom comme SFR en sont des repaires». Dans cette croisade, Bouygues a deux alliés de poids : France Télécom et Vivendi. Un tir de barrage auquel l’Elysée n’est pas insensible. Car en parallèle, la présidence négocie avec les mêmes un dossier de première importance : le déploiement de la fibre optique, porteur du très haut débit, sur tout le territoire. La grande œuvre du quinquennat. Voie de sortie. Le lundi 7 septembre, huit jours avant la sortie de Nicolas Sarkozy devant les députés UMP, le gotha des télécoms et le câblo-opérateur Numéricâble sont réunis au Château. Le secrétaire général adjoint de l’Elysée, Xavier Musca, met la pression sur ses interlocuteurs : il leur accorde quinze jours pour présenter leur copie sur la meilleure façon de conjuguer leurs efforts. A la clé, une facture astronomique : 20 milliards d’euros, minimum d’investissement sur le plan fibre. Sollicité au premier chef, France Télécom, le plus riche des opérateurs, se rebelle. «Pas question de se faire couillonner, de tout payer et d’être obligé de partager par décision politique», résume-t-on dans la maison. D’autant que chacun a en tête cette fichue quatrième licence qui devrait grignoter leur marge. Trop, c’est trop. Alors, pour l’Elysée, la réussite de son méga chantier vaut bien une sortie de route présidentielle sur la quatrième licence. A priori à peu de frais. «Maintenant, c’est l’Arcep qui gère le dossier à 100 % et donnera l’issue des coursesau printemps, assure l’entourage d’un ministre. Avec eux, ça ne rigole pas. Ce sont des pros. Rien à voir avec le CSA, totalement manipulé et manipulable.» Voilà pour la galerie. Dans les hautes sphères des télécoms, l’analyse diffère. Radicalement : «Sarkozy est juridiquement obligé d’accepter les offres et de les analyser, veut croire un patron. Mais à la fin, c’est le gouvernement qui décide.» Et l’Elysée de chercher sur le fil une voie de sortie. Trop tard pour tuer la quatrième licence. Mais pas pour marginaliser Free.D’où l’idée de pousser un consortium autour de Numéricable, intéressé. La piste satisfait les trois mastodontes du mobile.Un opérateur confirme, sourire en coin : «Avec Numéricable, il est possible de discuter. Ils n’ont pas comme unique perspective de casser les prix.» Pas sûr que l’Arcep accepte de jouer les spectateurs. Son patron, Jean-Ludovic Silicani, confiait vendredi à Libération : «Au final, c’est l’Arcep qui tranchera. Je suis une autorité indépendante. L’Etat, c’est moi.»
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