31/03/2010(17h00)
Depuis le Mondial 2006, contrairement à ce qu’elle a essayé
obstinément de nous faire croire, notre sélection ne baigne pas dans
une bonne ambiance de groupe. Elle est minée par de petits conflits
internes. Entre autres, le problème de leadership, la trop grande
médiatisation du capitaine des Eléphants, Didier Drogba. Ce qui
serait devenu insupportable pour certains joueurs.
Cela fait longtemps déjà que ces problèmes ont commencé à germer
dans le groupe. Mais, en 2006, avec la qualification pour le Mondial
allemand, les Eléphants faisaient rêver tout le monde. Ils étaient
devenus presque intouchables. Seules les grandes chaînes de
télévision comme TF1 (pour Téléfoot avec Thierry Gilardi) avaient
accès à eux. Difficile également de parler au staff de l’équipe et
donc de lui faire admettre ce mal qui commençait à ronger la
sélection.
Les premiers effets se sont fait sentir au Ghana, lors de la CAN
2008. Mais ça n’a pas suffit à alerter le staff.
«Mais Drogba arriveà quelle heure ?»
La scène se déroule au domicile abi-djanais de Bonaventure Kalou, le
14 juin 2009. Grosse ambiance à
l’occasion de la fête que Salomon Kalou donne en l’honneur de son
frère aîné, Bonaventure. Les parents et les invités des Kalou se
pâment quasiment au sol à la vue de footballeurs comme, Kanga Akalé,
Marc Zoro, Sékou Cissé, Siaka Tiéné, Kader Kéita, Didier Zokora ….
Les sollicitations pour des photos et autres autographes pleuvent.
Mais, dès qu’on annonce l’arrivée de Didier Drogba, les fans
«abandonnent» illico ces footballeurs pour se ruer vers le capitaine
des Eléphants. Une autre frénésie s’empare alors du public qui n’a
d’yeux désormais que pour Drogba. Avec ces fans, tous les
photographes détournent leurs objectifs des autres footeux.
A partir de là, les autres footballeurs «n’existent» plus pour
ces admirateurs et ces chasseurs d’images. Quelque peu gênés par la
situation, la majorité des footeux venus à cette soirée restent
scotchés sur leur chaises, d’autres, comme Siaka Tiéné s’éclipsent,
discrètement. Ce jour-là, Kolo Touré et Aruna Dindane n’arriveront
chez les Kalou qu’une fois Didier Drogba parti. Yaya Touré, lui, ne
viendra même pas.
Autre
lieu, autre scène : le 8 novembre 2009, à l’aéroport international
Félix Houphouët-Boigny. A la veille du match Côte d’Ivoire-Guinée
(dernier match des qualifications Can- Coupe du monde 2010) la
sélection ivoirienne a battu le rappel de tous ses éléments : Kolo
Touré, Didier Zokora, Baky Koné, Aruna Dindane, Yaya Touré, Gervinho,
Arthur Boka, Emmanuel Eboué… débarquent. Comme d’habitude, les fans
se ruent sur eux, mais en guettant l‘arrivée de Didier Drogba.
«Mais, Drogba arrive à quelle heure ?»
s’interroge quelqu’un à haute voix, alors même qu’il est déjà en
train de se faire signer un autographe par un autre joueur. Drogba
arrivera finalement le lendemain. Même absent, l’ombre du capitaine
plane sur le public et ses coéquipiers.
C’est bien connu, le buteur de Chelsea est le joueur le plus
médiatique et donc le plus médiatisé des Eléphants. Il y a des gens
comme ça. Et ce n’est pas la faute à Didier ni aux dirigeants de
l’équipe de Côte d’Ivoire si toutes les caméras du monde se posent
sur lui. Mais là où le bât blesse, dans l’encadrement de l’équipe
nationale, on se laisse emporter par la dimension du joueur.
C’est-à-dire que tout le monde, sans distinction, est mobilisé
autour de lui. Au détriment des autres.
Une autre fois, à l’aéroport, une foule nombreuse était rassemblée
pour accueillir les joueurs de l’équipe nationale. Il y avait là
toutes les mamans Eléphants (l’association des mères des joueurs de
la sélection ivoirienne). Et ce jour-là, il s’est produit ce qu’on
pourrait appeler un incident protocolaire : ces femmes sont restées
à l’aéroport avec les supporters, sous un soleil ardent, pendant que
la mère de Didier Drogba était «au frais» dans le salon d’honneur.
Ce qui a mis en colère certaines Mamans Eléphants. Baky Koné et
quelques uns se sont demandé si
«Didier Drogba était le seul à avoir une mère digne de respect».
Mais en réalité, c’est Didier, dès sa descente d’avion, qui est allé
chercher sa mère dans la foule pour l’installer au pavillon
d’honneur. Seulement, depuis cet incident, l’enthousiasme des Mamans
Eléphants a commencé à baisser. Aujourd’hui, leur association est
presque au point mort.
Le dernier fait, c’est à Cabinda. Après la piteuse élimination
contre l’Algérie, à la CAN 2010, le président de la fédération était
en train de remonter les bretelles à
l’ensemble de l’équipe quand, dans un accès de colère, Didier Drogba
a donné un violent coup de poing dans le mur avant d’aller
s’enfermer dans le silence, dans sa chambre, refusant de
manger. Ça a été le branle-bas chez les encadreurs qui se sont
succédé à la porte de sa chambre pour lui demander pardon.
Selon toute vraisemblance, un autre Eléphant dans le même cas, se
serait vu ignoré, voire sanctionné.
«Nous sommes minés par un problème d’ego»
C’est dans cette ambiance que prospère la rivalité Kolo Touré, Yaya
Touré d’un côté, et Didier Drogba de l’autre. Entre autres
contentieux, Kolo Touré estime que le capitanat de l’équipe
nationale devrait lui revenir. Etant donné qu’il est l’un de
ceux qui comptabilisent le plus de sélections (Il avait déjà eu un
problème semblable avec Cyril Domoraud quelques années en arrière).
Certains poussent l’analyse jusqu’à penser que Kolo incite son
cadet, Yaya, au clash avec Didier Drogba. Il est vrai que, fort des
six titres gagnés avec Barcelone en 2009, Yaya a une certaine
légitimité pour contester l’hégémonie de Didier Drogba.
Mais de là, à refuser de faire à son coéquipier et capitaine la
bonne passe qui pourrait le mettre trop en évidence, il n’y a qu’un
pas que
certains n’hésitent pas à franchir.
Chez
les Eléphants, tous le monde ne se bat pas ensemble. Il n’y a pas
(il n’y a plus) une véritable solidarité.
Le résultat ? Les échecs se répètent. Mais, c’est au dernier échec à
la CAN angolaise que les langues ont commencé à se délier. Dans une
déclaration, Salomon Kalou a osé toucher le problème du doigt : «Il
y a des gens qui ne mouillent pas le maillot. nous sommes minés par
un problème d’ego…» Il y a quelques semaines, lors du conclave des
Eléphants à l’occasion du match amical contre la Corée, Didier
Drogba lui-même a reconnu que la cohésion au sein du groupe n’est
plus ce qu’elle était : « On n’est pas obligé de s’aimer, mais on se
doit d’être sincère… ».
C’est clair, la cohésion de nos pachydermes a pris un coup sérieux.
Et le désamour du public, né du dernier échec à la CAN n’arrange pas
les choses. Pendant que les Ivoiriens demandent des comptes et crie
leur déception, leur frustration, des footballeurs comme Kader Keita
et Siaka Tiéné vivent mal le fait d’être pris à partie par le
public. Eux qui estiment avoir mouillé le maillot en Angola.
Pour eux, le procès qui leur est fait est tout simplement
injuste.
A quelques encablures de la Coupe du monde en Afrique du Sud, il est
peut-être temps de crever l’abcès pour éviter une autre bérézina.
Par Albert Drogba Carino
Et les morts du 29 mars 2009 ?
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L’opinion ivoirienne avait été grandement choquée en
apprenant la nouvelle du drame du 29 mars 2009 au stade
Houphouët-Boigny. 19 personnes avaient trouvé la mort et
132 ont été blessées. Le savaient-ils ou non ? Certains
footballeurs de l’équipe nationale étaient partis faire
le show la nuit en boîte. Si l’attitude de Didier Drogba,
Kader Kéita, Romaric N’dri Koffi, Siaka Tiéné, Boubacar
Sanogo, Kouamatien Koné, Sékou Cissé, Kolo Touré, Didier
Zokora , Abdoulaye Méité, Baky Koné, Ahmed Ouattara,
(membre du staff des Eléphants) et Vahid Halilhodzic
((l’ex-coach) avait indigné le commun des mortels, pour
les victimes et leurs parents, cet épisode reste un
cauchemar.
Là où les victimes et leurs parents espéraient voir un
gros élan de solidarité de la part de ces riches
footballeurs, ce sont plutôt des actions isolées,
circonstancielles et sporadiques qui ont été menées
après la bamboula en boîte de nuit. C’est d’abord
Salomon Kalou qui, le premier, est allé au chevet des
blessés, en leur apportant réconfort matériel et
financier. Ensuite, Didier Drogba y est allé au nom de
tous ses camarades. En ce temps-là, le capitaine des
Eléphants avait promis venir en aide aux victimes en
puisant dans la caisse des amendes de l‘équipe
nationale. Depuis, plus rien. Ou du moins aucune
communication n’a été faite sur cette action. L’un des
grands blessés du 29 mars 2009, un jeune ingénieur,
devenu tétraplégique a longtemps appelé à l‘aide.
Jusqu’a une date très récente, le jeune homme cherchait
encore des âmes généreuses qui pouvaient lui offrir un
fauteuil roulant qui allait lui faciliter la vie.
La nation ivoirienne a fait sa part, elle a rendu
hommages aux victimes et leur a apporté réconfort. Les
coupables et les responsables du drame ont été
identifiés et sanctionnés. Mais il serait peut être
utile que les joueurs, ceux-là même pour qui le public
s’était massivement déplacé le 29 mars 2009
fassent un geste fort à l’endroit des victimes.
J.J
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